Biographies Short Biography Semblanzas

 

Philippe Hugon Professeur à l'université de Paris X Nanterre
. spécialiste de l'économie du développment et de l'économie politique internationale.
Principaux ouvrages
Economie de l'Afrique 4 ed repères La Découverte 2003
Economie politique internationale et mondialisation (Economica Poche 1997),
Etudes sur l'éthique:
L'économie publique éthique : biens publics mondiaux et patrimoines communs. Etude UNESCO 2003
. Ouvrage en préparation sur l'économie publique internationale

 

Résumé / Summary/ Resumen

 

Peut on fonder analytiquement une économie sur le principe de fraternité ?

Application aux biens publics mondiaux.

Philippe Hugon Professeur Paris X Nanterre

A priori la question paraît paradoxale tant pour de nombreux économistes, les fondements de l’économie reposent sur les comportements utilitaristes des agents et sur des coordinations par le marché. En réalité l’économie politique s’est constituée en ne dissociant pas le marché et le jeu des intérêts privés du contrat social et des sentiments moraux chez Smith. L’économie a été fondée comme science morale et, malgré la dérive ou l’illusion scientiste des économistes néo classiques voulant élaborer une économie pure a morale, elle le demeure que ce soit dans les référents contractualistes de Rawls ou de Sen, dans ceux humanistes de Perroux, ou dans les travaux d’anthropologie mettant en avant le principe de réciprocité.

La liberté qui s’exprime notamment par le marché ne peut fonctionner sans l’égalité qui suppose des politiques redistributives et compensatrices et un principe de cohésion qui repose sur la réciprocité, la solidarité ou la fraternité. Les principes révolutionnaires demeurent dans un monde globalisé d’actualité. Ils sont en partie portés par les organisations de solidarité internationale et l’émergence, face aux défaillances des marchés et aux inégalités qui en résultent, d’une citoyenneté transnationale et de la prise en compte de patrimoines communs et de biens publics globaux..

Les biens publics mondiaux (BPM) sont à l’ordre du jour des débats au sein des organisations internationales, des organisations de solidarité internationale, des décideurs publics ou des chercheurs universitaires . Ils renvoient à des questions centrales. Alors qu'une conscience planétaire et que des actions collectives internationales émergent du fait de la mondialisation ou de la triadisation des marchés, des firmes, de la finance et des informations, des interdépendances et des risques planétaires, l'architecture internationale demeure marquée par les relations inter étatiques, par l’unilatéralisme des puissances hégémoniques et par le marché qui se déploie à l’échelle mondiale, sous l’impulsion des oligopoles privés, sans régulation transnationale. Le déploiement d’un capitalisme mondial et d’une mondialisation libérale non régulée conduit à la fois à des crises importantes, à des inégalités et à des risques élevés. La régulation de la mondialisation ne constitue-t-elle pas un bien public mondial ?

La question des droits, des patrimoines communs et des biens publics mondiaux (BPM) répond ainsi à trois enjeux majeurs mais différents.

D'un côté, au niveau international, le droit des affaires l’emporte sur les droits de l’homme et sur les droits sociaux. Les droits nationaux sont supérieurs au droit international. Les droits essentiels ont peu d’effectivité ; des conflits croissants liés à la marchandisation et à la privatisation apparaissent dans des domaines d'intérêt collectif (cf. les droits de propriété intellectuelle concernant le brevetage du vivant ou l'appropriation de la connaissance...).

De l'autre, on note on observe un déclin relatif de l'espace public et des pouvoirs publics face à la montée du marché et des pouvoirs privés, une réorientation de l’Etat des sociétés industrielles vers les fonctions de compétition et de redistribution à l’intérieur de la nation et un déclin des Etats dans les pays pauvres. Il y a "débordement" au double sens de dépassement des frontières et d’incapacité de gestion des États tant dans leurs fonctions régaliennes, de régulation et de production des biens publics face à une internationalisation et à une transnationalisation de nombreuses questions (ce qui n'implique pas que le poids des dépenses publiques sur le PIB ne cesse d'augmenter dans les pays industriels du fait des fonctions redistributives des pouvoirs publics). Il paraît nécessaire, dès lors, de penser une économie publique internationale, de réconcilier l’économique et le politique et de fonder une action collective internationale à diverses échelles territoriales.

Enfin des biens communs font l'objet de rivalité croissante et posent la question de la gestion patrimoniale à l'échelle régionale ou mondiale. Les patrimoines communs planétaires renvoient à la question du développement durable en terme de gestion intertemporelle des stocks avec effets d’héritage, choix du taux d’actualisation, prise en compte des préférences des futures générations et problèmes d’expression de ces préférences. Il est nécessaire de renouer avec la tradition classique de l’économie patrimoniale et de la " reproduction des conditions de la production " tout en élargissant le champ d’une analyse patrimoniale.

Cette communication a pour objet de différencier les biens publics, collectifs , communs ou premiers et les patrimoines communs et de les analyser notamment au filtre de la fraternité et de la solidarité. Elle se place à différentes échelles territoriales notamment au niveau international et mondial et prend pour application certains domaines l’eau, la santé et la connaissance.