Pouvoir et contrôle dans les firmes des économies post-socialsites
Xavier Richet
Le thème de réflexion de l’atelier part du constat suivant:
Le processus de transformation des entreprises dans ces économies s’est
largement inspiré des recommandations du « consensus de Washington
», faute, d’ailleurs, d’alternatives crédibles et praticables
: privatiser, liquider, brader à vil prix des firmes – dont la
valeur était difficile à apprécier, sinon impossible. Les
firmes en questions, la plupart du temps, avaient peu de possibilités
pour s’adapter au nouvel environnement concurrentiel. L’Etat défaillant
(absence de compétences, de ressources, de vision globale) n’y
a pas aidé. La stratégie poursuivie par les acteurs disposant
d’informations, de relations, sachant prendre avantage des opportunités
a conduit certaines catégories – la nomenklatura technique, selon
le sociologue I. Szelenyi (un euphémisme si l’on pense aux oligarques
russes qui manifestement jouent dans une autre catégorie) – à
s’approprier les actifs publics à leur compte, soit pour les liquider
(asset stripping) soit pour valoriser, par un effet de levier, les
actifs en prenant le contrôle d’autres firmes pour bâtir de
nouveaux empires industriels et financiers. Juste retour de l’histoire
? Les « barons rouges » seraient la copie russe de ce qu’ont
été les « barons voleurs » de la phase d’accumulation
du capital aux Etats-Unis au 19ème siècle. Les bonnes manières
(la corporate governance) viendraient après..(cf. le capitalisme
institutionnel policé..).
Dans la transformation post-socialiste, les grands perdants ont été
les travailleurs : chômage, perte du contrôle symbolique et souvent
formel sur les actifs (« propriété du peuple tout entier
», « contrôle ouvrier », autogestion). Il est surprenant,
à première vue qu’au cours de la transformation, aucun débat
sur des formes alternatives de contrôle des firmes ne se fait jour, notamment
autour de l’autogestion qui, de fait, s’est trouvée généralisée
lorsque la plupart des économies encore socialistes ont abandonné
l’ancienne organisation industrielle hiérarchique en mettant fin
au ministères de branche.
L’ « acquisition des bonnes manières » est devenu un
impératif, notamment dans les économies où les droits de
propriété plus ou moins flous ont conduit à la concentration
d’actifs (Russie), à rendre plus ou moins opaques les pratiques
des instances en charge du contrôle (Chine) des entreprises publiques,
le tout, bien sûr, en évacuant la question de la représentativité
des salariés, dépossédés de leurs droits de propriété
réels sur les actifs, de leur emploi, sinon de leurs logements (Russie),
de la plus part de leurs droits en Chine (sauf de vendre leur force de travail).
Le grand absent de la transformation, on l’aura compris, c’est l’exercice
d’un droit réel des salariés sur des actifs qu’ils
possédaient symboliquement ou réellement. L’autogestion
aurait-elle été praticable ? Le renforcement du contrôle
des actifs par l’Etat perceptible en Russie dans certains secteurs, annonce-t-il
un autre mode de gouvernance des firmes donnant plus de pouvoir aux salariés
?
On se propose d’aborder ces questions et de réfléchir sur
une autre conception du gouvernement d’entreprise.
Le problème
Transition post-socialiste:
Vers quel modèle d’économie?
Le paradoxe de l’aquarium
Tous les chemins mènent à Rome…
….mais Rome n’est plus dans Rome
Un capitalisme hybride?
Un appendice des grandes économies de marché
Contrôle et pouvoir
Qui détient quoi?
Différents modes de privatisation
Les gagnants?
« Insiders », la « nomenklature technique », la capital
étranger (FMN)?
Les perdants
Les salariés
Le contrôle sous le socialisme
Dictature d’un parti sur la population, goulag comme régulateur
social
Dictature sur les besoins: le plan détermine à priori ce qui est
bon pour le peuple.
Consommation collective > supérieure à la consommation individuelle
Propriété du « peuple tout entier » = absence de propriété
individuelle
L’exercice du contrôle
Via le Parti et le Syndicat unique
Comportement des agents: « Ils font semblant de nous payer, on fait semblant
de travailler »: une application spéciale de la théorie
de l’agence
Pas de droit de disposition réel sur les actifs: appropriation, disposition,
vente, etc
Un modèle alternatif: l’autogestion
Issu du socialisme anti-autoritaire
Réunir les trois fonctions éclatées dans la capitalisme
et le socialisme étatique:
Propriété
Gestion
Production
Expérimentation partielle
Yougoslavie: tradition non centralisatrice et fédérale
(avant de sombrer dans la barbarie..)
Hongrie et Pologne, dans les années 80
Perestroïka en Russie
Plus de théorisation sur les vertus de l’autogestion à l’Ouest
qu’à l’Est….
L’effondrement du système
Epuisement du modèle de croissance extensive
Pas de mécanisme autorégulateurs (endogènes)
Pas de capacités de maintenir l’écart avec les grandes économies
développées
Contestations internes et implosion
La Chine: une autre histoire..
Différents modes de privatisation
Privatisations internes | Privatisations ext | |
Distribution | salariés ménager | Citoyens |
Vente | Salariés managers | Banques, fonds, FMN |
Entrée | Création de nouvelles firmes |
Privatisations internes, distribution
Equité
Faible: avantage aux employés de la firme, désavantage pour les
autres (secteur public)
Effet de richesse
Avantage des managers(Russie)
Efficacité
Pas de rupture brutale
Lente adaptation et comportement d’ « insider »
Pas de revenus pour le gouvernement pour
Privatisations internes, vente
Equité
Non: favorise une catégorie
Firmes souvent vendues à vil prix
Quid des firmes du secteur public, ou qui sont « invendables »?
Managers s’approprient les actions
Efficacité
Incitation forte pour transformer l’entreprise
Type de stock option avec effet de levier important
Revenus à l’Etat
Privatisations externes, distribution
Equité
Le plus juste: « redonner la propriété au peuple »
Biens publics exclus
Une classe de « citoyens-capitalistes »: une vielle lune libérale
(cf privatisations en France sous Balladur)
Efficacité
Fortes asymétries d’information
Quelle structure de contrôle?
Arbitrages difficile propriétaire/salarié
Pas de revenus pour l’Etat
Privatisation externe, ventes
Equité
Sentiment de spoliation
Suppression des avantages sociaux de l’ancien système
Dualisme social et économique
Efficacité
Restructuration rapide
Insertion dans l’économie mondiale
Changements technologiques
Accroissement de l’emploi
Les gagnants
Les citoyens grâce à un effet de richesse (distribution)
Les « smart guys »: ceux qui ont eu l’information: origine
de l’enrichissement des oligarques et « barons rouges »
La « nomenklature technique »: reconversion rapide des posseurs
d’un capital culturel/technique pouvant facilement se valoriser
Les FMN: achat des meilleures firmes, entrée sur marchés potentiels
(greenfields)
Les Perdants 1
Les Etats
Charge de la dette, des secteurs déclinants
Support du coût social
Revenus limités des privatisations
Charge des mauvais secteurs: mines, sidérurgies
Les régions sinistrées
Les Perdants 2
Les salariés en général:
Perte du pouvoir sympbolique et d el’emploi: cf difficulté de privatiser
en Slovénie
Les salariés des secteurs « domestiques »
Chômage
Niveau de salaire
Les salariés des FMN (de manière transitoire)
Conditions d etravail..
Et le contrôle des firmes?
Vous avez dit autogestion?
Corporate governance: Enron, c’est quoi?
Le capitalisme institutionnel, un horizon insurmontable?
Peut-on envisager de nouvelles formes de contrôle?