Le déficit de régulation internationale
Pierre de Senarclens (Université de Lausanne)

La mondialisation favorise des interactions nouvelles entre les sociétés nationales, resserrant aussi parfois les liens d'interdépendance ou de dépendance entre les Etats. Elle affecte à ce titre les circonstances dans lesquelles se déroule la politique internationale. L'imbrication entre la sphère interne des Etats et le domaine des relations internationales a toujours été forte, mais la mondialisation tend à renforcer cet enchaînement. Il est incontestable que la politique des Etats est de plus en plus déterminée par des décisions qui se prennent au niveau international. Leur niveau de prospérité économique et de sécurité sociale, en particulier, est influencé par des règles issues de négociations internationales, dans le cadre de l'OMC par exemple.
La libéralisation des échanges de biens et de services, aussi bien que la dérégulation des flux internationaux de capitaux - des éléments constitutifs de la mondialisation - créent les conditions nécessaires à l'expansion des entreprises transnationales, des banques et des autres institutions financières privées. Dans cette conjoncture, les milieux d'affaire disposent d'une puissance économique énorme, peu contrôlée, leur conférant une emprise politique démesurée sur les gouvernements, notamment en raison de l'influence qu'ils exercent dans les enceintes où se décident les règles du commerce international. Cette libéralisation modifie les hiérarchies sociales. Elle avantage les détenteurs de capitaux, les individus ayant une formation intellectuelle et technique adaptée aux changements dans les modes de production. Elle tend à accroître un peu partout les disparités sociales à l'intérieur des Etats. En conséquence, elle influence les rapports de pouvoir et les conditions d'exercice de la souveraineté étatique.

La problématique de la souveraineté étatique
Cependant, malgré ces changements socioéconomiques la mondialisation est issue d'une histoire politique. Lorsque l'on recherche ses origines récentes, on retrouve l'influence décisive des Etats. L'expansion des échanges commerciaux et des flux de capitaux, aussi bien que les progrès scientifiques et techniques, ceux de l'informatique et des télécommunications, procèdent de décisions politiques qui ont été prises et assumées par les gouvernements, aux Etats-Unis et dans le cadre de l'Union européenne en particulier. Il convient de souligner dans ce contexte que les Etats ne sont pas des instances abstraites et neutres, dont les orientations politiques refléteraient le bien commun de leur société. Ils constituent des structures administratives et politiques complexes, qui s'emploient à promouvoir, des intérêts économiques et sociaux spécifiques. Les décisions qu'ils prennent dans les enceintes internationales reflètent des orientations de politique intérieure. Elles traduisent la suprématie conjoncturelle de certains partis, des groupes d'intérêts corporatistes des milieux d'affaire qui les soutiennent.
En outre, les organisations intergouvernementales, qui jouent un rôle d'importance croissante dans la politique internationale, ne constituent pas des instances indépendantes des Etats. Leur mandat, les fonctions qu'elles assument, les programmes qu'elles gèrent, les négociations qu'elles abritent, les rapports qu'elles préparent, les activités normatives qu'elles assument, reflètent des hiérarchies de pouvoir politiques et des rapports d'hégémonies de nature étatique.
La mondialisation a des incidences sur les rapports de pouvoir politique et modifie en conséquences les conditions d'exercice de la souveraineté étatique. En fait, la politique internationale entre les pays de l'OCDE changé de nature. Pour des raisons qui tiennent aux progrès dans les systèmes d'armement, tout d'abord, mais aussi pour des causes économiques et sociales. Depuis la Seconde guerre mondiale ils ne peuvent espérer atteindre leurs objectifs de croissance et de prospérité sans développer fortement leurs régimes de coopération. Le mouvement d'intégration européenne a été un aspect de cette évolution. En outre les principales puissances économiques ont mis en place depuis les années 1970 un système de concertation pour coordonner leur politique monétaire et pour prévenir les crises financières. Les gouvernements de ces pays développés s'emploient aujourd'hui à stabiliser leur taux d'inflation, à limiter leurs déficits budgétaires, à favoriser leur croissance économique et l'essor de leurs entreprises, tout en développant des politiques publiques complexes et diversifiées. L'Union européenne comprend aujourd'hui des structures administratives et politiques complexes dans lesquelles se mêlent coopération intergouvernementale et autorité supranationale. Elle assume des fonctions de régulation à large spectre, en matière économique surtout. Son rôle dans les domaines de la protection sociale est toutefois négligeable, mais l'on peut s'attendre à ce qu'il augmente avec la réalisation de monnaie unique. La plupart des pays développés ont ainsi tissé des liens économiques, socioculturels et politiques complexes, qui ont été encouragés et influencés par d'importantes innovations institutionnelles. Leur gouvernement et leur administration sont en interaction constante à leur politique économique un haut degré de convergence. Cette réalité institutionnelle, qui tend à concurrencer les régimes de coopération interétatiques classique, ne procède pas seulement de décisions gouvernementales ; elle est soutenue par des réseaux de coopération fonctionnelle de nature privée dans lesquels les entreprises transnationales jouent un rôle important.
Cette évolution est volontiers associée à l'érosion de la souveraineté des Etats, en particulier lorsqu'il s'agit de leurs affaires économique et sociale. En réalité, cette proposition découle d'une conception abstraite de la souveraineté. Les frontières et les régimes de souveraineté sont mouvants, mais ils l'ont toujours été. Comme par le passé, les sociétés ont d'autres sources de solidarité ou de cohésion que l'emprise des gouvernements. Il existe par ailleurs des mécanismes de coopération transnationale et des réseaux d'intégration transnationale et des acteurs non étatiques échappant au contrôle direct des gouvernements.
On doit reconnaître aussi que les buts et les fonctions des Etats ont beaucoup changés au cours des dernières décennies, avec l'évolution des conceptions idéologiques et doctrinales dominantes. Avec l'expansion des flux financiers et commerciaux, avec le développement des mécanismes de coopération multilatérale, les gouvernements n'ont certes, plus la pleine maîtrise de leur monnaie, de leur fiscalité, de leur choix macroéconomiques, de leur politique publique et de leur régime de protection sociale. Afin de promouvoir la réalisation des libertés et du bien être matériel, exigence de toute démocratie, les Etats sont contraints de participer à des régimes de coopération et parfois même le transfert d'une partie de leur souveraineté à des instances dotées de pouvoirs supranationaux. Ces régimes ne font pas que restreindre l'autonomie des Etats. Ils élargissent aussi leurs capacités d'assumer leurs fonctions de régulation sociale.
Cependant malgré l'emprise grandissante du marché et de ces régimes de coopération, l'Etat reste partout un instrument décisif de la cohésion sociale et de l'intégration politique. Il joue notamment un rôle central pour corriger les " imperfections du marché ", pour assurer les biens publics nécessaires à son fonctionnement, pour créer les conditions socioculturelles favorisant la croissance, pour atténuer les inégalités, notamment par la fiscalité, pour canaliser les investissements vers des secteurs productifs, pour défendre les industries naissantes, pour lutter contre l'inflation, pour soutenir les exportations. La dynamique des marchés n'interdit nullement aux pays de l'OCDE d'assumer, chacun à leur manière, leurs fonctions de régulation sociale. Les conditions de travail, la protection que les Etats assurent aux malades, aux invalides, aux pauvres, aux personnes âgées et aux chômeurs sont aujourd'hui de nature et d'importance diverse, ce qui montre que les gouvernements ont des choix à cet égard. L'Union européenne ne parvient toujours pas à s'entendre sur une diplomatie et une stratégie cohérente pour défendre ses intérêts et sa sécurité, ses Etats membres restant jaloux de leur souveraineté à cet égard.
Aujourd'hui, comme par le passé, certains Etats sont plus égaux que d'autres. Il est par exemple incontestable que les Etats-Unis, qui disposent d'une économie puissante, sont en mesure d'exercer une influence souvent décisive sur la dynamique des échanges commerciaux et des flux financiers et que cet avantage leur confère une certaine suprématie dans le cadre des négociations multilatérales et sur les instances internationales déterminant les structures de la mondialisation. Si les pays de l'OCDE ont développé des rapports d'intégration très forts, qui semblent même indissociables dans le cadre de l'Union européenne, il n'en pas de même avec ceux qu'ils entretiennent avec le reste du monde. La société internationale, appréhendée dans son ensemble, reste caractérisée par la faiblesse de ses régimes de coopération, par la fragilité de ses liens de solidarité et l'hétérogénéité de ses espaces politiques et culturels.
En fait l'expansion planétaire des marchés n'apaise en rien le cours de la politique internationale, qui reste marqué par des crises politiques récurrentes et des conflits armés, par des phénomènes d'hégémonie maintenant des structures inéquitables, par des rapports de puissance et de dépendance économique. Malgré les phénomènes de convergences culturelles entraînés par les nouveaux systèmes de communication et d'échange, par la diffusion des modes de production capitaliste, la politique internationale se développe dans un environnement très hétérogène. Elle concerne des acteurs, principalement des Etats, qui diffèrent beaucoup les uns des autres par leurs régimes, leurs statuts, par leurs ressources, leurs objectifs. Ils s'affrontent au nom d'intérêts politiques divergents ou antagonistes, portant notamment sur le partage de ressources rares, et en invoquant des valeurs et des idéologies difficiles à concilier. La politique internationale est d'autant plus conflictuelle, que les institutions qui ont mandat d'en pacifier le cours sont fragiles ou malfaisantes. A l'ère de la mondialisation, la question sociale est au cœur de ces conflits.
C'est le moment de rappeler que la pauvreté, aussi bien que les inégalités économiques et sociales, ne sont pas des faits de nature ou l'expression de conditions immuables. Elles traduisent des réalités politiques. Dans les pays pauvres de l'hémisphère Sud, l'assise de l'Etat est souvent fragile, parce qu'il ne dispose pas des ressources nécessaires à la réalisation de sa souveraineté. Il arrive que le pouvoir de son gouvernement ne dépasse pas la périphérie de la capitale et que son emprise soit au demeurant néfaste. Il s'avère incapable d'assumer ses fonctions d'intégration politique et sociale, ou les assume fort mal, pour toutes sortes de raisons économiques, institutionnelles et politiques. Il ne peut pas satisfaire les besoins fondamentaux de sa population en matière d'éducation, de santé et d'hygiène, d'autant qu'elle croit rapidement. Il est confronté à des pandémies irrépressibles, à des mouvements migratoires des campagnes vers les villes, à un marché du travail précaire, à la progression du chômage et du secteur informel, à la détérioration de son environnement naturel. En outre, son administration et ses services publics sont les plus souvent inefficaces, arbitraires et corrompus. Dans ce type d'Etat, la justice, la police et l'armée sont souvent aux mains d'un parti unique dominé par des clans ou par des familles ou des mouvements politiques à composante ethnique. Les dirigeants politiques et les fonctionnaires utilisent leur position pour s'approprier une rente qu'ils déposent souvent à l'étranger au lieu de l'utiliser pour des investissements profitables à leur pays. En fait, un bon nombre des pays appartenant à la catégorie des " moins développés " ont connu récemment la guerre ou sont confrontés à des violences endémiques qui interdisent toute forme de progrès socioculturels. En outre les Etats de la périphérie ont perdu beaucoup de leur autonomie, et leurs diplomates à l'étranger sont parfois une expression illusoire de leur souveraineté politique. Leur pauvreté et leur endettement les obligent à suivre des politiques décidées par des gouvernements et des créanciers étrangers, dans le cadre des institutions de Bretton Woods par exemple. Dans ces circonstances, aucun processus de développement ne peut avoir lieu sans le concours des institutions internationales. Leur appui s'avère d'importance vitale, d'autant que ces pays restent souvent en marge des centres de production et d'échange.
Dans les pays de l'hémisphère Sud, la pauvreté est déterminée non seulement par les insuffisances et des pouvoirs publics et des processus de participation politique, par des structures sociales aliénantes, mais aussi par des défaillances des régimes de coopération internationale, des mécanismes gouvernance mondiale. Elle exprime en conséquence une carence des liens de solidarité, non seulement au sein de la collectivité nationale, mais également au niveau des relations internationales aussi. Les défaillances des Etats de la périphérie sont d'autant plus profondes que leurs institutions de coopération régionale n'ont rien de comparables à celles qui ont favorisé l'intégration économique et politique des pays industrialisés.


Les instances internationales
Ces mécanismes de gouvernance mondiale ne sont pas en phase avec l'évolution de l'économie internationale et ne facilitent pas la maîtrise des grands défis politiques et sociaux inhérents à la dynamique de la mondialisation. Ils sont fragiles, notamment du fait de leur faible autonomie à l'égard des Etats-Unis et des autres pays de l'OCDE ; leurs ressources engagées de manière incohérente. Les organisations internationales, notamment l'ONU et ses principales agences spécialisées, les institutions de Bretton Woods et l'OMC constituent un ensemble institutionnel très hétérogène. Elles assument des fonctions distinctes, parfois divergentes et même contradictoires. Elles disposent de ressources inégales pour accomplir leur mandat. Leur contribution au développement des pays pauvres est l'objet de vifs débats qui alimentent les réflexions sur la crise du multilatéralisme.

Le système des Nations unies
L'ONU fut conçu pour maintenir la paix et " réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire ". Elles s'efforcent de poser les bases d'une " communauté internationale ", en s'employant à diminuer les clivages entre les Etats développés et les pays qui restent à la périphérie des centres de production et d'échange économique. Les Nations unies ont joué un rôle considérable dans l'élaboration et la promotion de valeurs et des normes juridiques universelles. Elles ont établis un système élaboré de conventions juridiques, notamment dans le domaine des droits de l'homme, qui exercent une influence décisive sur les Etats, orientant leur vie politique intérieure aussi bien que les positions qu'ils adoptent dans les relations internationales. Elles n'ont cessé de marquer le cours de la politique internationale par les analyses et les données statistiques qu'elles ont produites, par les valeurs qu'elles ont promues, par les stratégies économiques et sociales qu'elles ont proposées, en matière de développement durable en particulier. Elles ont ainsi contribué aux progrès de l'hygiène, de la santé, des soins de santé primaire, de la planification familiale. Elles créé les conditions d'un espace public transnational dans lequel les ONG tiennent une place importante. Leurs engagements normatifs et opérationnels sont en effet relayés par d'innombrables ONG actives dans tous ses domaines de compétence, en particulier dans l'espace des droits de l'homme, de l'humanitaire et du développement durable.
Malgré ces avancées, les Nations unies n'ont pu instaurer des régimes de coopération cohérents et stables, acceptés par l'ensemble de ses Etats membres. A titre d'exemple, il n'existe aucun régime des droits de l'homme au niveau universel, comme le montre le fonctionnement de la Commission des droits de l'homme des Nations unies. Les Etats, les grandes puissances surtout, n'utilisent guère les Nations unies pour maintenir la paix et la sécurité. Au cours de la guerre froide, le Conseil de sécurité fut bloqué par les antagonismes de ses membres. Depuis la désintégration de l'empire soviétique, le rôle de cette instance est devenu plus important, et les opérations de maintien de la paix ont beaucoup augmenté. Pourtant ses membres restent en désaccord sur le rôle que les Nations unies, sur les ressources qu'ils doivent lui confier, de sorte que l'engagement des casques bleus au service de la paix reste aléatoire. L'ONU joue en conséquence un rôle marginal dans les régions troublées de la planète, s'avérant en particulier incapable de contribuer significativement au rétablissement de la paix en Afrique. Au cours des dernières décennies de nombreux Etats ont sombré dans la guerre civile et le chaos, et cette anarchie a fait des millions de victimes et suscité d'immense déplacements de population, sans que l'ONU puisse intervenir significativement pour restaurer l'ordre dans ces pays, si non par l'engagement d'opérations de la paix tardives et souvent dépourvues de moyens, d'observateurs impuissants, ou par la mise sur pied d'entreprises humanitaires aux effets palliatifs.
En outre, l'ONU et ses agences spécialisées n'ont jamais été un espace institutionnel dans lequel les Etats acceptaient d'harmoniser leurs politiques économiques et sociales. Elles sont toujours restées en marge des négociations et des décisions touchant aux grandes questions monétaires, financières et commerciales. La guerre froide explique en partie cette défaillance. Avec le lancement du plan Marshall, le gouvernement américain décida d'agir en marge des Nations Unies. Lorsqu'il engagea les premiers projets d'assistance aux pays pauvres, il continua de tenir l'ONU à l'écart de cette initiative, lui préférant la Banque mondiale, qu'il contrôlait et qui était vouée à la promotion de l'économie de marché. En outre, malgré les efforts de la CNUCED à partir des années 1960, l'ONU n'eut guère d'impact sur les structures de l'économie mondiale affectant le devenir des pays pauvres.
Les Nations unies n'ont pourtant cessé d'affirmer la nécessité d'une politique cohérente en matière de développement. Leurs résolutions sur cet objet comportent immanquablement un passage sur l'exigence d'une stratégie coordonnée pour affronter les problèmes de pauvreté. Récemment encore, le Secrétaire général soulignait " l'importance vitale " d'une telle cohérence et d'une telle stratégie, invitant en particulier les institutions financières à coopérer dans ce sens avec l'ONU et les autres agences spécialisées. L'idée de mettre en place une stratégie d'action cohérente pour lutter contre la pauvreté est louable, mais la politique, en particulier la politique internationale, ne procède pas d'une logique cohérente et rationnelle. Sa réalisation présuppose que les Etats puissent s'entendre sur la définition et la réalisation de politiques publiques au niveau international. Or, malgré la fin de la guerre froide et l'hégémonie incontestée du système capitaliste, les pays industrialisés manifestent des intérêts divergents lorsqu'ils sont confrontés à la problématique du développement.
Cette confusion est manifeste au sein des Nations unies. L'ensemble des Etats représentés à l'ONU est très hétérogène, à tout point de vue. Les représentants de grands Etats, tels la Chine, l'Inde, l'Indonésie ou la Russie ou de puissances économiques comme les Etats-Unis, siègent à l'Assemblée générale au côté de principautés folkloriques ou d'Etats tout à fait insignifiants du point de vue démographique, économique et politique. Depuis les années 1960, les Nations unies n'ont cessé de s'élargir, sans définir les critères justifiant l'admission en leur sein, sans parvenir à s'entendre sur des principes de souveraineté définissant la qualité d'Etat membre.
Ainsi, les consensus qui s'expriment dans les résolutions de cette organisation sont avant tout formels ; ils ne traduisent jamais l'engagement déterminé des gouvernements qui les approuvent. Même lorsque ces derniers sont unis formellement sur des objectifs aussi incontestables que l'éducation, l'accès des jeunes filles à l'éducation notamment, l'hygiène et la santé, les soins de santé primaire en particulier, ils divergent sur les stratégies à mettre en œuvre pour atteindre ces buts.
Les Nations unies ont un très large éventail de fonctions économiques et sociales, mais ne disposent pas des ressources pour les assumer. Les organisations du système sont ainsi privées des ressources politiques et financières qui seraient nécessaires pour réaliser concrètement les projets qui étaient formulés dans leurs enceintes. Aujourd'hui, le budget des départements de l'ONU qui se consacrent aux affaires économique est dérisoire. Aujourd'hui, les pays de l'OCDE, aussi bien que les principaux Etats de l'hémisphère Sud, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, n'ont manifesté aucune intention de renforcer le rôle de l'ONU à cet égard. Les Etats-Unis et l'Union européenne se sont gardés d'augmenter ses ressources pour combattre la pauvreté ou la dégradation de l'environnement. Bien au contraire. Les ressources du PNUD ont décliné depuis le début des années 1990. Le gouvernement américain a de surcroît accumulé des retards dans la contribution qu'il devait au budget régulier des Nations Unies, entravant ainsi son action dans l'espoir d'en réorienter la substance et les finalités.
L'ONU a été régulièrement le théâtre d'importants débats sur le développement, mais son secrétariat n'a jamais reçu les moyens de mettre en oeuvre des résolutions passées par l'Assemblée générale à cet égard. Depuis ses origines, les gouvernements eurent tendance à miser sur ses fonctions politiques et symboliques, utilisant ses instances pour propager leur vision du monde, comme un espace de rencontres diplomatiques, de discours solennels et de cérémonies officielles. Dans cette logique, les Nations unies désigne les buts à atteindre en termes extraordinaires, mais irréalistes, affirmant la nécessité de diminuer la pauvreté de masse de moitié d'ici 2015, en restant plutôt vague sur les étapes concrètes des changements politiques à opérer. On pourrait multiplier à l'infini des illustrations d'une rhétorique qui oppose les espoirs de paix durable, de prospérité grandissante, de bien-être pour tous, aux tragédies du présent, en particulier des violences et de la misère qui affectent "encore" des milliards d'individus. Le discours sur le développement exalte les bénéfices des échanges et des communications entre les peuples tout en dénonçant le "fossé grandissant" entre les pays développés et les pays moins développés. Dans la même logique, l'ONU ne cesse de rappeler que plus d'un milliard de personnes vivent " avec moins d'un dollar par jour " et le PNUD expose chaque année ses indicateurs de développement humains plaçant la Norvège et d'autres pays occidentaux en tête de cette avancée historique, tout en rappelant les progrès en matière d'éducation, de santé, d'égalité entre hommes et femmes que les pays pauvres doivent accomplir pour améliorer leur situation économique et sociale.
En fait, le système des Nations unies est mal adapté au développement d'une stratégie cohérente. Les fondateurs des Nations unies, qui n'avaient aucune intention d'aliéner leur souveraineté, étaient conscients de leurs divergences idéologiques et politiques, d'autant qu'ils pressentaient le début de la guerre froide. C'est la raison pour laquelle ils mirent sur pied un ensemble institutionnel très compliqué, formé d'instances autonomes, ayant des mandats sectoriels plus ou moins précis, qui se recouvraient en partie, et qui concernaient tous les aspects de la vie économique, sociale, culturelle et humanitaire. Le système n'a cessé de s'élargir avec la multiplication des commissions et comités de toutes sortes, avec le développement nouvelles structures administratives, comprenant des programmes, des fonds et des organisations distinctes, la dernière en date étant ONUSIDA, qui a reçu des fonctions qui auraient logiquement dû être réalisées par l'OMS. Le Conseil économique et social, d'après la Charte, est censé coordonner ces instances, mais il n'a jamais été en mesure d'assumer ce rôle de quelque manière que ce soit.
En réalité, les problèmes de coordination au sein des Nations unies se situent également au niveau des Etats membres. Les questions débattues dans les enceintes des organisations internationales, notamment celles du commerce et de l'environnement, concernent une grande diversité d'instances gouvernementales, par exemple les ministères des affaires étrangères, du commerce, du travail, de la planification, des finances, de la recherche, de l'agriculture, des transports, de la santé et de l'éducation. Il n'est dès lors pas rare que les gouvernements défendent des politiques d'orientations divergentes dans les différents espaces de négociation multilatérale. Ils s'avèrent ainsi incapables de proposer de véritables stratégies de développement, se faisant le relais d'exigences nationales disparates. Ils contribuent souvent à la confusion des programmes en adoptant dans les grandes conférences internationales des résolutions imprécises susceptibles de justifier à peu près n'importe quel projet. Ils sont directement responsables de la parthénogenèse institutionnelle dont souffrent les Nations Unies, chaque grande conférence internationale donnant naissance à de nouvelles commissions ou de nouvelles structures administratives, dont les mêmes gouvernements dénoncent ensuite la prolifération. Plus grave, ils continuent d'agir en ordre dispersé lorsqu'il s'agit d'apporter leur aide publique aux pays en développement, soumettant ces derniers à de multiples conditionnalités et des programmes d'assistance morcelés rendant impossible une planification du progrès économique et de la lutte contre la pauvreté. Chaque gouvernement des pays de l'Afrique subsaharienne reçoit en moyenne 600 projets d'assistance annuels, l'obligeant à soumettre 2400 rapports quadriennaux à différentes agences de financement et à recevoir mille missions différentes pour surveiller et évaluer la mise en œuvre de ces projets.
Ces contradictions encouragent le développement en son sein d'une diplomatie déclamatoire et factice. Les ministères des affaires étrangères investissent les organes des Nations Unies à des fins de représentation politique, pour assurer leur présence dans le cadre de commissions ou de comités ad hoc, leurs diplomates se contentant s'employant à bloquer toute initiative n'ayant pas le soutien de leur gouvernement. Faute d'instructions claires, et parfois aussi de compétences techniques appropriées, ils ne s'intéressent guère à la substance des programmes ou à la nature des principes débattus. Cet univers politique étrange favorise la multiplication des instances de débats et la prolifération des structures administratives. Elle entrave les mécanismes visant à contrôler l'orientation des programmes et à remédier aux dysfonctionnements internes du système.
Dans ce climat de blocage institutionnel et politique, le Secrétariat est condamné au déploiement d'une rhétorique inspirée par des idéaux de haute élévation morale, mais incapable de déboucher sur un engagement opérationnel substantiel. On peut reprendre l'exemple de l'Afrique pour illustrer cette politique illusoire. En juillet 2001, le Secrétaire général de l'ONU affirmait devant le Conseil économique et social : " Au cours des dernières décennies, le système des Nations unies a été impliqué dans un si grande nombre d'initiatives pour le développement de l'Afrique que je ne peux même pas me souvenir de ce que signifie leur acronyme. Malheureusement, peu l'efficacité de ces initiatives est pour le moins contestable. " Ainsi en 1986, l'Assemblée générale lançait solennellement le Programme d'action des Nations unies pour la reconstruction et le développement de l'Afrique. Cinq ans plus tard, l'Afrique avait perdu 50 milliards de dollars de valeur d'exportation, en raison de la baisse des cours des produits de base et l'ensemble des flux financiers destinés à l'Afrique avait décliné. En outre les programmes d'ajustement structurels engagés par la Banque aggravaient la pauvreté, tout en affectant l'emploi et diminuant les ressources que les gouvernements pouvaient consacrer à l'éducation, à la santé et à la nutrition. En 1991, l'Assemblée générale lançait un " Nouvel agenda pour le développement de l'Afrique ". En 2002, un rapport d'évaluation soumis à l'Assemblée montrait l'échec de cette stratégie. Il soulignait que la pauvreté et les disparités sociales n'avaient fait qu'augmenter et que les principaux indicateurs du développement humain avaient décliné durant le temps de cette stratégie. La plupart des pays de l'Afrique subsaharienne n'avaient pas été en mesure d'accumuler un taux d'épargne suffisant pour réaliser des investissements productifs et assurer une croissance soutenue. Ils avaient connu un déclin de leurs termes de l'échange et n'avaient pas pu attiré les capitaux étrangers. En outre, leurs gouvernements n'avaient guère prêté d'attention aux orientations proposées par cette stratégie, alors les pays riches n'avaient pas tenu les promesses qu'ils avaient faites de la soutenir, puisqu'ils avaient diminué l'aide publique au développement, alors qu'ils s'étaient engagés à l'augmenter. En outre les agences des Nations unies, celles là mêmes qui auraient dû être prioritairement concernées par cet agenda pour le développement, n'ont pas défini de programmes spécifiques pour y répondre, se contentant de poursuivre les programmes définis par leurs propres organes constitutifs. Cette diplomatie multilatérale singulière favorisa la prolifération de comités et d'organe de toutes sortes, évolution institutionnelle que les gouvernements occidentaux ne cessaient par ailleurs de dénoncer.
L'ONU et ses agences spécialisées assument néanmoins des programmes sectoriels, notamment en matière de normes sociale et de coopération technique (OIT) de santé (OMS), de protection de l'enfance (UNICEF), d'agriculture et d'alimentation (FAO-PAM), de population (FNUAP) de protection des réfugiés (UNHCR et UNRWA), de coopération technique (PNUD). Ces programmes sont contrôlés par un petit nombre de pays donateurs, mais leurs ressources sont fluctuantes. Ils ne sont pas vraiment engagés dans le cadre d'une stratégie de développement cohérente. En fait, la nature et l'importance des tâches fonctionnelles ont toujours découlé de choix et de soutiens politiques, qui déterminent les ressources qui leur sont allouées. Ainsi, au cours des dernières décennies, le HCR est devenu un instrument de la stratégie de l'OTAN, les pays de l'OCDE finançant le 97% de son budget. Il fut utilisé pour contenir le flot de réfugiés Kurde en Turquie, en 1992, pour limiter les déplacements de population dans la guerre civile en Yougoslavie et pour masquer le refus des occidentaux. Depuis lors, au Kosovo, comme en Afghanistan et en Afrique, ses engagements sont directement fonction des choix politique du monde occidental. Il est engagé dans le cadre d'une politique de sécurité tendant à prévenir les flots de réfugiés en Europe ou les mouvements migratoires déstabilisateurs.

Les institutions de Bretton Woods

En principe, la Banque mondiale et le FMI font partie du système des Nations unies, mais en pratique elles en diffèrent par leurs fondements institutionnels, leur processus de décision, leur mode de gestion et finalement par la spécificité de leurs objectifs au service du marché. Ces organisations, aussi bien que l'OMC, servent avant tout à l'expansion de l'économie capitaliste. Elles assument en matière de régulation un rôle équivoque, puisqu'elles s'efforcent de réconcilier les avantages des pays riches, en particulier des Etats-Unis et de l'Union européenne, avec les intérêts des Etats qui restent à la périphérie des centres de production et d'échange capitaliste. Alors que les organes de l'ONU et des autres agences du système obéissent à des processus de négociation et de décision d'une extrême complexité, fondé sur le mythe d'inspiration démocratique conférant une même voix à chaque Etat membre, si fragile soit-il, les institutions de Bretton Woods répondent à une logique de représentation " censitaire " conférant aux gouvernements des pays riches une prépondérance absolue : ils sont représentés au Conseil des gouverneurs en fonction de leur puissance économique. Les Etats principalement concernés par les politiques de stabilisation ou d'ajustement structurel, à savoir les destinataires des prêts, ne sont d'ordinaire pas représentés au sein de ses instances dirigeantes. Cette injustice rend difficile la supervision des politiques et des programmes engagés ou leur remise en cause. Les institutions de Bretton Woods, le FMI en particulier, ont été longtemps imperméables aux critiques dont elles faisaient l'objet, de la part des ONG en particulier. Les mécanismes d'équilibre et de contrepouvoir (Checks and balance) n'ont pas fonctionné et il a fallu la multiplication de crises financières, dont l'énormité fut en partie le fait du FMI, pour que s'élèvent des voix au sein même de l'establishment américain contestant l'orientation de cette organisation.
En fait, ces organisations agissent donc sous l'égide ou la dépendance directe des Etats-Unis. Le FMI est devenu un instrument docile de la politique américaine, alors que la Banque bénéficie d'une certaine autonomie d'action, puisqu'elle draine l'essentiel de ses ressources sur le marché des capitaux et qu'elle dispose ainsi de moyens relativement importants pour soutenir des projets dans les pays de l'hémisphère Sud. Le FMI a abandonné sa mission de régulation originelle qui consistait à promouvoir la coopération monétaire internationale, la stabilité des changes, à fournir une assistance par des prêts à court termes à ses Etats membres confrontés à des problèmes de balance des paiement, et cela " sans recourir à des mesures susceptibles de détruire leur prospérité nationale ou la prospérité internationale ". Dans les années 1980, le FMI fut utilisé par les autorités américaines comme un instrument de leur hégémonie dans le seul but de trouver une solution aux problèmes de l'endettement des pays pauvres, solution qui soit favorable aux intérêts des créanciers issus des pays riches. Cette crise fut utilisée pour obliger les pays endettés à libéraliser leurs économies, notamment pour briser les obstacles à l'ouverture de leurs marchés aux importations et aux flux de capitaux étrangers. La Banque mondiale fut associée à cette politique dans le cadre de ses prêts d'ajustement structurel. Les programmes de stabilisation et les ajustements structurels des institutions des institutions ne tinrent pas compte des conditions économiques et sociales prévalents dans ces pays. Le FMI et la Banque ont recommandé aux gouvernements des pays pauvres de supporter des politiques de libéralisation que les grandes puissances économiques n'avaient pas acceptées dans le passé lorsqu'elles s'employaient à construire leur tissu industriel. Elles leur recommandaient surtout des mesures d'austérité qu'aucun pays de l'OCDE n'aurait osé mettre en oeuvre. Les Etats qui suivirent ces stratégies d'ajustement aggravèrent leur déficit commercial, leurs importations augmentant plus rapidement que les exportations, alors que ces dernières se heurtaient souvent aux politiques protectionnistes de l'Union européenne et des Etats-Unis. En outre les prêts des ces organisations financières vinrent souvent gonfler le service de la dette des pays pauvres, alourdissant les obstacles au développement auxquels ils étaient confrontés.1 En règle générale, la plupart des pays en développement qui ont connu un bon niveau de croissance au cours des dernières décennies et qui ont amélioré leurs conditions de " développement humain ", sont ceux qui n'ont pas suivi les stratégies recommandées par la Banque mondiale et le FMI.
Ces politiques ont très fait l'objet de vives contestations, notamment de la part des ONG et des Nations unies. Depuis les crises russe et asiatique de nombreux économistes les ont contesté, leur reprochant d'aggraver les conséquences des turbulences monétaires et financière qu'ils avaient pour mandat d'apaiser. Joseph Stiglitz a rejoint le chœur de économistes critiques, en exprimant des positions qui auraient été plus crédibles s'il ne s'était pas ingénié à préserver l'autorité de la Banque mondiale dont il avait été le vice-président.2
Après avoir joué un rôle décisif dans le processus de libéralisation des échanges et dans la dérégulation des flux financiers à l'échelle planétaire, dans les crises économiques et sociales inhérentes à ce processus, elles défendent les institutions de Bretton Woods depuis quelque temps une politique tendant à concilier l'expansion du marché avec des objectifs de lutte contre la pauvreté de masse. Il est devenu toujours plus évident que les programmes de stabilisation et d'ajustement structurel inspirés par les préceptes des économistes néo-classiques n'entraînent pas une croissance durable et péjore la situation des plus pauvres. La Banque mondiale sous la présidence de James Wolfensohn renoue avec les théories des pionniers du développement et attribue à nouveau une grande importance aux dimensions institutionnelles et politiques du progrès économique et social. Pour fonctionner le marché a besoin d'un cadre institutionnel solide, assurant un minimum de cohérence et de stabilité juridique, des mécanismes judiciaires permettant la solution équitable des conflits. Ces bases institutionnelles, associées à la notion de bonne gouvernance, reposent elles même sur des changements socioculturels de grande ampleur, qui sont requis tant pour la croissance de l'économie que pour l'amélioration générale des conditions de vie. La Banque a donné une impulsion à cette nouvelle orientation stratégique visant à diminuer le nombre des pauvres et qui touche en particulier à la réduction du niveau d'endettement des pays les moins avancés. Cette stratégie entraîne les institutions de Bretton Woods dans un champ d'intervention sociale qui alourdit l'éventail des conditions prescrites aux gouvernements des pays de la périphérie. Certes, la Banque insiste désormais sur les dimensions politiques du développement en soulignant que les réformes qui ne sont pas assumées par les Etats n'ont guère de chance d'aboutir. En d'autres termes, les gouvernements, avec l'appui de leur société civile, ont une responsabilité principale dans la lutte contre la pauvreté. Cependant, la Banque et le FMI insistent également sur leur refus d'aider les Etats et d'alléger leurs dettes s'ils n'engagent pas les réformes sociales nécessaires pour diminuer leur niveau de pauvreté. Pourtant, il reste à prouver que la révision des programmes de ces organisations ne ressemble pas à la quadrature du cercle, tant elles ont du mal gérer les contradictions entre la dynamique du marché international avec les exigences de la lutte contre la pauvreté.

Les règles commerciales de l'OMC
Les institutions de Bretton Woods prétendent aussi renforcer la cohérence des politiques des pays donateurs. A ce titre elles leur recommandent de lever les entraves aux exportations de pays les plus pauvres. La mise en œuvre de l'Uruguay a profité avant aux pays de l'OCDE et aux pays émergents de l'Asie, mais n'a guère bénéficié aux autres pays ; elle est même défavorable aux pays les moins avancés. Les dispositions régissant le commerce international sont injustes. Les exportations des pays pauvres sont d'ordinaire soumises à des barrières douanières plus élevées que celles qu'ils opposent eux-mêmes aux produits des pays riches. La plupart exportent avant tout des matières premières dont le cours fluctue ; les produits de leur agriculture ou leurs textiles se heurtent à des barrières douanières dissuasives aux Etats-Unis et dans l'Unions européennes; ils exportent des produits manufacturés à faible valeur ajoutées et sont confrontés à une dégradation de leurs termes de l'échange. En outre, leurs paysans voient concurrencés par les exportations des produits de l'agriculture européenne et américaine, au demeurant largement subventionnée.
Cette problématique est au cœur des négociations et des règles commerciales de l'OMC. Ces dispositions reflètent des rapports de puissance économiques qui désavantagent les pays pauvres. Les Etats-Unis et l'Union européenne protègent abondamment leur agriculture, parfois même leur industrie, comme le montre la décision récente du président Bush concernant la sidérurgie. En d'autres termes, les " lois du marché " sont invoquées seulement lorsqu'elles favorisent ou ne remettent pas en cause les privilèges des pays riches.
Cette évolution négative est paradoxale si l'on tient compte du fait que les règles juridiques issues des négociations multilatérales de l'Uruguay round et poursuivies au sein de l'OMC ont été adoptées par consensus, procédure qui vise au respect des intérêts de tous les Etats et qui assurent la protection de leur souveraineté. En fait les grandes puissances économiques et financières, celles qui disposent de grands marchés réels ou potentiels, en déterminent l'aboutissement. Elles négocient entre elles dans le cadre de réunions préparatoires à Washington ou à Bruxelles ou au sein de rencontres à huit clos, " les chambres vertes " durant les conférences ministérielles. De toute façon, les pays pauvres n'ont simplement pas les ressources pour aligner les experts et les diplomates capables de suivre tous les aspects de ces négociations.
L'OMC exerce une emprise toujours plus forte sur la dynamique de mondialisation, mais sa perspective sectorielle centrée sur l'expansion des marchés se heurte à des résistances croissantes et salutaires. Tout d'abord parce que l'institution est partie intégrante d'une structure d'échange inéquitable. Ensuite parce sa logique mercantile affecte de plus en plus directement des sphères sociales et culturelles touchant aux identités collectives les plus sensibles et finalement à la souveraineté démocratiques des Etats. Elle ébranlera les systèmes de protection sociale des pays développés. En outre, la mise en œuvre de l'accord sur les services ou celui sur la propriété intellectuelle risque d'accroître énormément la puissance des entreprises transnationales, en obligeant les Etats à démanteler une partie de leurs infrastructures publiques, notamment en matière d'éducation et de santé, en minant surtout les efforts qui sont engagés pour combattre certaines pandémies, le Sida par exemple, dans les pays pauvres de l'hémisphère Sud.
Pour résoudre les contradictions entre la dynamique de la mondialisation et les réalités auxquelles sont confrontées les pays en voie de développement, les Etats riches, les organisations qui en dépendent, misent de plus en plus sur les engagements humanitaires. L'assistance publique au développement diminue, alors que celle de l'aide humanitaire augmente. Elle est au demeurant utilisée pour diminuer l'endettement des pays pauvres à l'égard des institutions de Bretton Woods ou des Etats riches, ce qui est une autre manière de protéger les structures établies. De toute manière ces aides sont insignifiantes au regard des avantages que les pauvres pourraient obtenir d'un abaissement des obstacles à leurs exportations vers les pays riches.

Conclusions prospectives
Après la Seconde guerre mondiale, le développement a été conçu comme un processus de changement et de modernisation à large spectre, impliquant l'intervention des Etats et des organisations internationales. A partir des années 1980, on a misé de plus sur les forces du marché comme moyen de régulation sociale, et en particulier assurer la croissance des pays pauvres. Les adeptes du modèle néo-libéral se sont alors réjouit du fait que l'Etat perdait de son emprise en matière économique et sociale. Ils ont anticipé l'émergence d'une nouvelle gouvernance, censée assurer la concrétisation de projets collectifs sans le soutien des pouvoirs publics, à savoir d'une régulation utile et bienveillante en quête du bien commun. Cette évolution devait tout au moins entraîner un meilleur équilibre entre les gouvernements d'une part, dont le rôle doit être limité au maximum, et les forces du marché et les mouvements associatifs qui étaient supposés refléter les aspirations de la société civile d'autre part. Dans leur perspective, l'expansion des échanges économiques et culturels entraînerait l'avènement d'une forme de consensus à l'échelle planétaire sur les principes de la démocratie libérale et sur la supériorité du marché comme mode de régulation économique et de progrès social.
Aujourd'hui, les idées néo-libérales n'ont plus le vent en poupe. Les scandales qui ont éclaté aux Etats-Unis et en Europe sur la " gouvernance " des entreprises, aussi bien les grandes crises financières et monétaires des années récentes en Amérique latine, en Russie et en Asie et l'absence de flux d'investissements en direction des pays pauvres, montrent que la dynamique du marché doit être endiguée et qu'aucun projet de développement ne peut aboutir lorsqu'il se réclame de la doctrine du " laissez faire- laisser passer ".
L'ampleur et la gravité des tragédies engendrées aujourd'hui par la pauvreté de masse, la dégradation rapide de l'environnement planétaire, les catastrophes toujours plus importantes et nombreuses qui en résultent, la multiplication des conflits armés, en particulier des guerres civiles, les évolutions démographiques, les flux migratoires et les mouvements de réfugiés, le nombre grandissant de gens qui fuient dans leur propre pays des zones de guerre, les grandes pandémies, notamment celle du VIH/SIDA, ne sont pas des problèmes soluble à la longue grâce à la dynamique du marché et pouvant faire l'objet d'un traitement humanitaire ou d'actions charitables ponctuelles et aléatoires. Dans un monde de plus en plus ouvert par les échanges de biens, de services, et même de personnes, alors que les frontières étatiques sont impossibles à garder, ces maux ne peuvent plus être circonscrits, comme par le passé. Ils ont notamment des incidences dans les pays riches par le biais de flux migratoire, de la criminalité transnationale, des pandémies et parfois même du terrorisme.
Cette nouvelle question sociale appelle en conséquence l'instauration, à l'échelle internationale ou régionale, de nouveaux mécanismes de régulation, le développement d'organisations disposant de ressources financières importantes, leur permettant d'assurer une certaine justice distributive à l'échelle internationale et de contribuer effectivement à l'amélioration de la sécurité internationale. Comme le souligne une étude récente d'Oxfam : " dans un monde globalisé, les problèmes sociaux et économiques ne se soucient guère des frontières nationales. Si des pans entiers des pays en développement se voient privés d'occasions d'échapper à la misère, ils ne resteront pas à l'état de ghettos misérables auto contenus. Les conflits, les réfugiés, et les problèmes de santé créés par la pauvreté seront exportés vers d'autres pays. " 3
Il est vraissemblable que l'Etat restera au centre de tout processus d'intégration politique et social, mais il n'est pas impossible qu'il partage une part croissante de ses fonctions avec des instances intergouvernementales ou supranationale, suivant le processus d'intégration régionale engagé en Europe. On assistera sans doute à des importants bouleversements politiques et institutionnels en Afrique, débouchant sur la redéfinition des frontières étatique et la construction de nouvelles intégrations régionales.
On verra par ailleurs apparaître de nouveaux mécanismes de régulation internationale, certainement différents de ceux qui existent aujourd'hui. Dans un monde où les espaces publics ne cessent de déborder la stricte sphère des Etats pour se déployer dans un univers transnational, il faudra bien inventer en effet de nouveaux systèmes de décision et de contrôle des organisations internationales, afin d'empêcher aussi bien leurs modes de gestion technocratique, que les détournements de bien sociaux inhérent à leur dérive institutionnelle. Il est vraisemblable que la gestion du multilatéralisme subira des réformes, liées notamment à la redéfinition des modes de fonctionnement des ministères des affaires étrangères.
Le système des Nations unies n'est pas en mesure de faire face de manière efficace et cohérente à ces défis planétaires. Il est en tous les cas insuffisant pour affronter la problématique de l'environnement durable. Son hétérogénéité politique, son morcellement institutionnel, son lien avec une conception de la souveraineté étatique fondée sur l'imaginaire de l'Ancien régime, entravent ses capacités d'action. Elle rend impossible la définition de programmes cohérents et surtout leur supervision de leur gestion. Elle favorise la multiplication des organes de délibération, des structures administratives et des programmes sectoriels qui se recoupent et dont l'ensemble manque de cohérence. Sa réforme impliquerait la disparition de l'ECOSOC et de certaines agences spécialisées qui ont perdu leur raison d'être, l'UNESCO par exemple, et la revalorisation d'autres instances, tel l'OIT. Cette réforme, qui impliquerait une révision de la Charte des Nations unies à la majorité des 3/4 des membres de l'Assemblée générale, n'a aucune chance d'aboutir.
Il est donc probable que les capacités opérationnelles des Nations unies en matière de développement économique et social resteront modestes, hormis dans certains secteurs touchant à l'humanitaire et aux opération de maintien de la paix soutenus par les pays de l'OCDE. Il n'est pas exclu que l'ONU puisse être amenées à étendre ses activités de protectorat pour contribuer à la reconstruction d'Etat détruit par la guerre civile. Par ailleurs, les Etats continueront de l'investir comme un espace de rencontres diplomatiques et de délibérations multilatérales, pour faire valoir leur légitimité, défendre leurs intérêts et leurs valeurs, pour manifester symboliquement les attributs de leur souveraineté, pour participer à la quête évasive d'une " communauté internationale ", pour définir éventuellement des politiques et stratégies susceptibles d'apaiser certains conflits et endiguer certaines crises humanitaires, mais ils n'en feront probablement jamais un instrument de régulation effectif. L'autorité des Nations Unies pourrait s'affaiblir encore à l'avenir si le fossé entre les normes qu'elles proclament et leurs engagements pratiques devait continuer de s'élargir. On peut même imaginer que l'accélération des processus d'intégration régionale, aussi bien que l'augmentation du nombre des acteurs non gouvernementaux, accentue encore la marginalisation du système des Nations unies parmi les instances de régulation internationale.
Les processus de décisions au sein des institutions de Bretton Woods et les mécanismes de contrôle de ces organisations devront également changer pour tenir compte du nouveau poids économiques de l'Union européenne et des pays émergents d'Asie et d'Amérique latine, pour mieux assurer aussi la participation de certains pays pauvres à l'élaboration des politiques qui les affectent. On ne compte pas les plans visant à redéfinir le rôle du FMI. Il n'est pas sûr que les nouveaux acteurs de l'économie mondiale, les grands pays " émergents ", acceptent encore longtemps les liens privilégiés entre ces institutions et le Département du Trésor américain.
Le problème de la conditionnalité va continuer de se poser. La Banque prend aujourd'hui ses distances à l'égard de la conditionnalité, en affirmant que les programmes d'ajustement qui réussissent sont pleinement assumés par les gouvernements concernés. Il est toutefois difficile de lier ses prêts à des exigences de bonne gouvernance et de justice distributive pour combattre la pauvreté sans étendre l'ampleur de la conditionnalité. Comme nous l'avons vu, il existe de nombreux pays où l'Etat est inexistant et fortement défaillant. Les Nations unies et les forces de l'OTAN assume toujours davantage des missions de protectorat, par exemple en Sierra Leone, au Timor oriental, en Afghanistan, en Bosnie et au Kosovo. On pourrait étendre la liste des pays d'Afrique subsaharienne dont la sécurité intérieure indispensable au progrès économique impliquerait un appui massif en ressources humaines et matérielles sous l'égide d'institutions internationales, à commencer par la République démocratique du Congo.
L'OMC n'a pour ainsi dire aucune autonomie de décision et à l'avenir son rôle sera déterminé par l'orientation politique des Etats. On peut s'attendre aussi à une reconfiguration des rapports de force économique qui aboutissent à la codification de nouvelles règles d'échange. Les pays les plus pauvres devront bien reconstruire des barrières pour protéger leurs industries naissantes et leur paysannerie. L'accord sur les " aspects des droits de la propriété intellectuelle liés aux commerce " (ADPIC) devra être révisé pour tenir compte des problèmes que son application va engendrer dans les pays pauvres, notamment en matière de santé et d'agriculture. Il en va de même pour l'accord sur les services dont la mise en œuvre limitera la capacité des gouvernements de défendre les droits sociaux des plus pauvres. Les entreprises transnationales devront être tenues d'accepter les droits fondamentaux des travailleurs, tels qu'ils ont été définis dans les principales conventions de l'OIT et plus récemment dans la Déclaration des principes et des droits fondamentaux du travail adoptée par la conférence générale de cette organisation.
De toute manière, la réforme de l'architecture institutionnelle à venir dépendra beaucoup de l'engagement des grandes puissances. Elle implique en effet leur accord pour mobiliser de nouvelles ressources financières par le biais d'y système international d'impôt indirect. Les quelque vingt milliards de dollars que la Banque mondiale peut investir dans les pays pauvres équivalent à la moitié du prix d'un avion de combat de l'OTAN et sont dérisoires au regard des besoins de ces pays. Dans ce contexte, on pense naturellement au projet de Taxe Tobin, mais d'autres mécanismes sont envisageables pour réunir de nouvelles ressources, sans pénaliser directement les budgets nationaux. Il est évident que les organisations internationales ne parviendront pas à renforcer leur autorité et leurs tâches fonctionnelles sans disposer de nouvelles ressources financières. Mais si le principe de ce fonds spécial était un jour accepté, il resterait à définir les modalités de son contrôle politique et de ses orientations stratégiques. De toute évidence, il conviendrait d'innover à cet égard, en évitant aussi bien le modèle pseudo démocratique des Nations Unies que celui des institutions de Bretton Woods qui sont dominées par un groupe limité de pays riches.
L'évolution des réseaux de communication et d'information, et plus largement les changements dans les modes de production, ont multipliés le nombre des ONG dans la sphère du développement durable et de l'humanitaire. Elles peuvent intervenir de manière souvent efficaces pour offrir aux populations déshéritées des ressources humaines et matérielles qui s'avèrent souvent supérieures à celles que peuvent dispenser les organisations intergouvernementales. Les ONG ont des structures administratives plus souples. Elles ont davantage de facilités pour recruter leur personnel. Leurs capacités de coordonner leurs activités tendent à s'améliorer dans les situations de crises humanitaires. Dans un temps où les bureaucraties intergouvernementales font l'objet de critiques récurrentes, elles gèrent une part croissante des ressources que l'Union européenne, les pays de l'OCDE en général ou les organisations intergouvernementales consacrent au "développement durable". Les ONG sont ainsi des acteurs à part entière des conflits marquant la scène internationale; elles ne peuvent s'abstraire des phénomènes de pouvoir et d'hégémonie. La légitimité de leur action est source de disputes. Cependant, en raison de leur nature composite et de la diversité de leurs objectifs elles peuvent assurer un certain pluralisme idéologique et assumer le rôle de contrepoids institutionnels que les organisations intergouvernementales peinent à défendre dans les circonstances politiques actuelles. De toute façon la réflexion sur les mécanismes de régulation internationale doit comprendre aujourd'hui la problématique des ONG.
En examinant le rôle des institutions internationales, en réfléchissant à leur éventuelle réforme, il ne faut pas perdre de vue leur environnement politique, en particulier les rapport de puissance et d'hégémonie déterminant les fonctions et engagements qu'elles assument sur la scène internationale. Comme nous venons de le souligner, leur importance relative en terme de capacités d'action économique et sociale, reflète en grande partie l'intérêt politique, plus ou moins grand, que leur prodigue les Etats, les grandes puissances en particulier, le soutien économique qu'ils leur assurent, leurs convergences aléatoires définissant la nature de leur mission et l'importance de leurs ressources. Or la position des gouvernements à l'égard des organisations internationale s'explique aussi par le fait que les mandats et les activités des institutions internationales sont relativement mal connus des partis politiques, des parlements, des gouvernements et des opinions publiques. Comme le soulignait récemment l'ancien Secrétaire général des Nations unies : " Une des faiblesses du système onusien ou des organisations internationale en général, réside (...) dans le manque d'intérêt des Etats et de l'opinion publique à l'égard des problèmes internationaux " et cela, paradoxalement au moment où la plupart des grands défis auxquels doit faire face l'humanité sont de nature international.4
Ces considérations réalistes semblent ouvrir peu d'espoir à l'idée d'une réforme rapide des organisations internationales afin de renforcer leurs capacités lorsqu'il s'agit de promouvoir une certaine justice distributive à l'échelle internationale. La politique des Etats-Unis est de ce point de vue inquiétante. Les sphères dirigeantes américaines semblent se détourner actuellement des principes universalistes des Nations Unies, en confondant leurs intérêts nationaux avec ceux du monde, en investissant le marché de fonctions de régulation sociale qui sont étrangères à sa dynamique.5 La politique unilatérale de l'Administration est d'autant plus inquiétante que l'Union européenne n'a pas de politique extérieure susceptible de fonder une stratégie de sécurité différente de celle des Etats-Unis. Ses Etats membres sont en désaccords profonds à cet égard, comme sur la des questions, telles que la PAC ou l'APD qui affectent leurs rapports avec les pays en voie de développement.
On peut imaginer que la réforme et les changements d'orientation des organisations internationales ne surgiront pas de propositions normatives abstraites, mais des crises économiques et sociale, de conflits armés, de catastrophes écologiques et de mouvements migratoires qui obligeront les gouvernements à changer d'orientation politique, et à définir de nouveaux régimes de coopération, soutenus par d'autres mécanismes institutionnels. L'évolution des sociétés européennes au XIXe siècle qui fut à l'origine de l'Etat social ne fut pas le fait de gouvernements éclairés, mais s'est imposée dans des conflits de classe souvent très rudes. Les guerres mondiales ont malheureusement joué aussi un rôle déterminant, puisqu'elles ont imposé une cohésion politique et sociale qui appelait un élargissement des fonctions économiques et sociales des Etats.





1 Voir " The Policy Roots of Economic Crisis and Poverty. A Multi-Country Participatory Assessment of Structural Adjustment, prepared by SAPRIN nov. 2001, www.saprin.org 2 Joseph E. Stiglitz, La grande désillusion, Paris, Fayard, 2002 3 Oxfam, Pour un commerce équitable, 2002, p. 33 (www.maketradefair.com) Voir aussi " The Policy Roots of Economic Crisis and Poverty. A Multi-Country Participatory Assessment of Structural Adjustment, prepared by SAPRIN nov. 2001, www.saprin.org 4 Démocratiser la mondialisation, p. 96 5 Leur position à l'égard de la Convention sur les droits de l'enfant, sur les mines antipersonnelles ou sur l'environnement est particulièrement préoccupante à cet égard, d'autant que l'Union européenne ne prend toujours pas le relais de cette hégémonie défaillante. Ils ont retenu pendant des années leur contribution statutaire au budget régulier de l'ONU, pour entraver et contrôler son action. Ils sont restés les seuls à refuser de ratifier la convention de 1989 sur les droits de l'enfant. L'administration Bush fait tout pour invalider le traité de Rome sur la Cour pénale internationale qui vient d'entrer en vigueur. Elle dénonce le traité interdisant le développement de système antimissile (ABM-1972), risquant de relancer ainsi la course aux armements. Ils n'entendent pas s'associer au traité interdisant les essais nucléaires. Elle manifeste sa volonté de rester à l'écart du protocole additionnel au traité de Kyoto limitant les gaz à effet de serre. Elle rejette le protocole de vérification du traité interdisant les armes chimiques et biologiques. Elle refuse de soutenir la convention d'Ottawa sur l'interdiction de l'utilisation, du stockage, de la production et du transfert de mines antipersonnelles, qui est entrée en vigueur en 1999. Elle ne perd pas d'occasion pour affirmer leur définition unilatérale du droit international, du droit international humanitaire, ou de conférer à leurs lois nationales une portée extraterritoriale. En outre, elles apportent un soutien inconditionnel au gouvernement israélien, en dépit de son refus d'abandonner sa politique de colonisation dans les territoires occupés et malgré ses violations répétées des conventions de Genève sur le droit humanitaire. Depuis le 11 septembre, ils ont décidé de combattre le terrorisme en mobilisant une stratégie essentiellement policière et militaire, sans paraître s'inquiéter de trouver des remèdes aux circonstances favorisant ce phénomène. Le président Bush entrave également le processus de libéralisation des échanges par le recours à des mesures protectionnistes visant à protéger des industries de l'acier à faible productivité pour répondre à des considérations électoralistes, lésant gravement ses plus proches alliés, ceux là même qui combattent aux côtés des forces américaines en Afghanistan. 1